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Les dommages collatéraux de l’histoire familiale

Dossier psycho-généalogie – partie 3

La famille obéit à un système de valeurs et de croyances qu’il faut parvenir à déconstruire pour exister par nous-même, en dehors des scénarios toxiques que l’on a reçus en héritage. Notre société́ étant focalisée sur la réussite et le bonheur, il convient d’avoir un travail valorisant, une position sociale élevée, de l’argent, un couple et une sexualité́ épanouis.

TOO48 socio psychogénéalogie partie 3

Selon Juliette Allais, on adopte ainsi une forme de « bronzage psychologique ». L’humain moderne a créé́ le mythe de la personne qui va bien, libérée de ses peines, de ses souffrances, bienveillante face aux erreurs d’autrui (même celles de ses parents) et confiante en l’avenir. En nous focalisant sur la face lumineuse de notre être et sur la quête d’un bien-être absolu, on en oublie notre propre noirceur et les souffrances physiques, professionnelles et relationnelles que l’on endure. À grand renfort d’auto-évaluation, notre vie finit par se borner à la comptabilité́ bien orchestrée de nos échecs et de nos réussites. Quand on rentre dans la spirale de la loose, c’est souvent parce que l’on s’est éloigné́ des rêves que l’on avait secrètement pour soi et que l’on s’est laissé imprégné́ des scénarios familiaux négatifs que l’on répète bêtement et parfois inconsciemment- ment. Il suffirait pourtant d’exister par nous-même et pour nous-même pour redresser la barre. On peut reproduire ce qu’ont fait nos ascendants sans se poser de questions, mais si on ressent de la peur, de l’angoisse, de la fatigue, voire de la dépression, c’est qu’on a emprunté la mauvaise voie et que l’on en a oublié qu’il existait d’autres chemins.

Culpabilité, loyauté à sa lignée

Il est également difficile de se défaire des étiquettes dont on nous a affublé enfant, tant elles ont un pouvoir déformant dans le miroir à l’âge adulte. Certains individus ressentent carrément une culpabilité d’exister à la naissance car ils sont le fruit d’une grossesse non désirée. Ils s’autopunissent en se mettant constamment en position d’échec. En outre, l’instabilité sentimentale serait la conséquence d’un lien toxique préexistant avec au moins l’un des deux parents ou de l’existence sous-jacente d’une parentalité non assumée. L’ambivalence est alors à son comble puisque l’enfant oscille entre culpabilité d’exister et impression d’être une charge. Devenus adultes, ils sabotent toutes leurs relations affectives pour être sûr de ne pas revivre le rejet. Parfois inconsciemment aussi, on reproduit l’infortune de ses parents pour être fidèle à sa lignée. En surface, on a l’impression de faire ce qu’il faut, mais en sous-marin, on sabote la situation pour reprendre un schéma familial vécu par nos ascendants. Quand celui-ci se répète inlassablement, posez-vous deux questions : en quoi cette situation peut-elle découler du passé ? Et en quoi vous permet-elle de rester dans un schéma de loyauté vis-à-vis de votre lignée ? Rappelez-vous que la plupart des peurs, en termes relationnels, datent de l’enfance. On nous a prouvé enfant que le lien affectif ou amoureux était source d’instabilité, de tiraillement, de violence ou de complexité. Comme le dit l’auteure, le choix de notre conjoint convie de façon inconsciente tout notre arbre généalogique. Par ailleurs, dans le cas d’un deuil ou d’un amour fantasmé, il se peut que la personne joue la carte de l’insécurité pour rester fidèle à une seule relation : l’absence.

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Filialité transpirante

Quand nous nous empêchons d’atteindre nos rêves en faisant capoter toutes les actions que nous menons, c’est souvent que l’on a soi-même placé des obstacles sur sa route. Inconsciemment, on est persuadé d’avoir à payer un tribut à son arbre généalogique. La peur de réussir peut également s’accompagner d’une envie de rester dans l’ombre, car elle se nourrit de celle de la solitude, de l’inconnu, de l’exclusion ou de la punition. Elle peut être liée aux accidents de parcours de nos aïeux, une difficulté à trouver sa place d’un point de vue social et professionnel ou à des conflits internes liés à ses origines. Notre filialité transpire aussi dans notre rapport à l’argent car il est souvent au cœur des croyances familiales. Quand il est source de culpabilité et de honte, demandez- vous dans quelle main l’argent a circulé pour que vous en arriviez à ce constat. Par ailleurs, lorsqu’on accorde aucune importance à l’argent, c’est souvent parce qu’on a peur d’en avoir. La croyance cachée est que l’argent ne rend pas heureux, mais pourquoi ? Les personnes très dépensières qui cumulent les dettes tentent souvent d’imiter l’un de leurs ascendants. Il faut alors l’identifier et découvrir le lien de loyauté qui se cache derrière ces comportements destructeurs afin de s’en débarrasser.

Chouchou, narcissisme et fratrie liguée

Dès notre naissance, notre identité s’établit autour de certains critères : situation socioculturelle et économique de nos parents, identité sexuelle, nom, prénom, date de naissance, et rang dans la fratrie, ainsi que dans un faisceau de relations affectives, dont certaines auront un impact déterminant toute notre vie. De plus, les parents projettent, dès la conception de leur bébé, l’enfant et l’adulte qu’il est censé devenir. Leur progéniture est inconsciemment porteuse de leurs aspirations non abouties. Outre qu’il soit un facteur annonciateur de changement au sein du couple et de la fratrie, il peut être également le révélateur de conflits sous-jacents, d’alliances secrètes ou de sentiments ambivalents. Pour l’auteure, « devenir » en tant que tel est une expérience initiatique d’une puissance inégalée. Par ailleurs, l’enfant préféré est souvent celui qui possède la même place dans la fratrie que celle de son père ou de sa mère. Nombreux sont les cas où les enfants sont chargés de résoudre les problématiques restées en suspens dans les fratries de leurs parents et grands-parents. Pour autant, la place de chouchou de la famille n’est pas plus à envier que celle des délaissés, car elle engendre narcissisme ou culpabilité, tandis que le reste de la fratrie, guidée par un profond sentiment d’injustice, peut se liguer contre lui.

Triangulation et enfant pansement

Notre place dans la famille et notre sentiment d’identité s’enracinent dans ce que nous vivons dans le triangle père-mère-enfant. Cela intègre le faisceau relationnel qui nous lie à eux, mais aussi la place qu’ils ont occupée dans les triangulations précédentes. Ce qui s’y joue est fondamental pour la compréhension de nos mécanismes inconscients et les fondements de notre place dans notre arbre généalogique. Idéalement, il faudrait pouvoir remonter sur quatre générations successives. L’objectif est de décrypter les situations non résolues, les alliances fusionnelles et la confusion des places. Il n’est pas rare de voir un père et un fils ligués contre les femmes, une mère qui prend sa fille pour sa copine, un parent qui idéalise son enfant ou qui le prend pour le frère ou la sœur qu’il n’a pas eu. Parfois, l’enfant est vu – encore une fois, de façon totalement inconsciente – comme un pansement qui va réparer un manque ou une perte. L’enfant devient alors celui qui donne au lieu d’être celui qui reçoit. Parallèlement, il est fréquent, en cas de décès ou d’abandon d’un des parents, de voir un frère ou une sœur se substituer à l’autorité parentale pour protéger sa fratrie. Une fois adulte, ce rôle de parent fera partie de son identité, qu’importent la solitude extrême ressentie et la perte totale d’insouciance au moment de l’enfance.

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Secrets inavouables et mythes puissants

La famille est régie par des règles bien établies qui lui donnent une coloration unique : ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. En termes systémiques, elle cherche presque toujours à préserver son intégrité et une certaine forme d’équilibre. Pour comprendre son arbre généalogique, il faut débusquer la valeur suprême qui prévaut dans sa lignée que l’on pourrait définir comme la colonne vertébrale de la transmission. Malheureusement pour les rebelles, soit on y adhère, soit on se positionne en rupture et on se marginalise. Pour se préserver, le système établit un ensemble de croyances auxquelles chaque génération adhère sans les remettre en question. Elles définissent un certain nombre de valeurs morales ainsi que des comportements autorisés et identifiés comme étant ceux de la lignée. Ces mythes, qui rassemblent la famille sous le même blason, créent à la fois un sentiment d’appartenance et une vitrine au monde extérieur. Quand il y a des secrets inavouables, ils permettent même de sauvegarder les apparences. Les familles riches érigent des mythes puissants autour de la respectabilité, alors que les milieux simples auront plutôt tendance à prôner le travail acharné, la capacité à se battre ou à lutter contre l’adversité. En outre, chaque tribu possède ses personnages de légende à qui tous les descendants vouent une reconnaissance éternelle. Pour comprendre le système de valeurs de votre famille, demandez-vous ce qui est bien vu dans votre lignée : l’intelligence, la culture, la créativité, le don de soi, les capacités novatrices, le travail, la transmission ? Pour certains, cette valeur fondamentale deviendra un objectif et un guide, pour d’autres, une entrave et une source d’échec car elle sera vécue contre-nature.

Souffrance loyale

C’est ce système de valeurs finalement très rigide qui fait que certains individus ne connaissent pas leurs véritables aspirations. Ils sont devenus ce que l’on attendait d’eux, quitte à être en conflit avec sa véritable essence. Dans ce cas précis, il est judicieux d’identifier quelles concessions on a dû faire pour être aimé et soutenu. Parfois parce que l’on est otage des désirs de ses parents pendant toute son enfance, on s’autosabote à l’âge adulte pour sortir du carcan dans lequel on nous a enfermé. Face aux croyances et mythes familiaux, trois options sont possibles : adhérer au système familial sans remettre ses lois et ses codes en question, refuser tout en bloc et prendre le contre-pied, ou faire preuve de discernement en choisissant dans les valeurs de notre système familial celles qui nous correspondent. Cela signifie apprendre à dire « non », sans pour autant tout remettre en question. La thérapie systémique a aussi mis en lumière l’implication des uns et des autres vis-à-vis du groupe et l’interdépendance de chacun. Or, dans ce réseau sous-jacent de liens invisibles, il arrive que l’on rentre en résonnance de manière aigüe avec la souffrance de certaines personnes et qu’on la répète par souci de loyauté. Dans ces cas-là, c’est l’absence de parole qui engendre le traumatisme car il n’y a pas d’intégration dans l’histoire familiale. Ce qui n’a pas été nommé finit par réapparaître, tels des fantômes, pour prendre la forme de comportements compulsifs ou irrationnels. Heureusement, la répétition de ce scénario toxique permet d’en prendre conscience, de mettre des mots sur cette partie voilée de l’histoire familiale et de se libérer de ses liens de loyauté au moyen d’actes symboliques. En psycho-généalogie, reconnaître son enracinement aux valeurs de sa famille, c’est le début de la liberté et d’une certaine forme d’affranchissement.

TOO #48

Lire aussi : Psycho-généalogie, s’accrocher aux branches sans tomber de haut (partie 1 du dossier) et Psycho-généalogie, phase introspective (partie 2)

Amélie Rivet

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Amélie Rivet

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