Et si la clé du bien-être résidait dans notre capacité à (bien) dormir ? Le docteur Pierre Philip décrypte les fondamentaux du sommeil et concocte routines et rituels adaptés à chacun. Petit guide pour faire de votre oreiller votre meilleur allié !
Le sommeil est un enjeu de taille pour croquer la vie à pleines dents. Comprendre son fonctionnement et réaliser des recherches personnelles sur ses besoins spécifiques seraient les clés pour optimiser ses capacités d’éveil le jour et rester en bonne santé. Outre que le manque de sommeil chronique nous fait nous sentir comme un zombie, il aurait des effets dramatiques sur notre santé physique et psychique à long terme et nous serions à la fois plus exposé au cancer et à la dépression. Apprendre à booster nos phases de sommeil lent profond nous permettrait à la fois de récupérer physiquement, de nettoyer notre cerveau et de consolider les apprentissages de la journée. Dans son livre « Réapprendre à dormir pour être en bonne santé » aux éditions Albin Michel, le docteur Pierre Philip nous révèle tous les secrets du sommeil et nous offre des solutions concrètes au travers de routines personnalisées et adaptées à chaque tranche de vie. En se basant sur les recherches scientifiques les plus récentes, il nous enseigne les fondamentaux du sommeil en agissant à la fois sur sa régularité, sa durée et sa qualité.
Le sommeil se décompose en trois grands stades qui se mesurent à partir de l’activité de votre cerveau, votre tonus musculaire et vos mouvements oculaires. En se basant sur ces trois critères, les chercheurs ont pu démontrer que la survenue du sommeil lent léger, du sommeil lent profond et du sommeil paradoxal se répète 5 à 6 fois par nuit lors de cycles d’une durée d’à peu près 90 minutes. Si la première partie de la nuit se caractérise par le sommeil lent profond (boosté par le refroidissement du corps et du cerveau), c’est le sommeil paradoxal qui prédomine en fin de nuit grâce au réchauffement du cerveau. Nos nuits sont émaillées de périodes d’éveil de 30 secondes à deux minutes, entre certains cycles du sommeil, mais aussi parfois entre différents stades d’un cycle. Le sommeil ayant des pouvoirs amnésiants (on ne s’en souviendrait pas), on serait donc réveillé en moyenne entre 10 et 20 minutes par nuit sans s’en rendre compte.
ll existe deux états de conscience complémentaires : la veille et le sommeil. Il faut à la fois pouvoir booster les systèmes d’éveil durant la journée et les freiner le soir pour favoriser l’endormissement – la bascule entre l’état de veille et le sommeil. Si vous voulez vous coucher tard, il vous faudra accélérer et forcer le moteur au lieu de le freiner en activant les zones du cerveau qui libèrent les molécules qui nous tiennent éveillé. Mais ce processus aura ses limites car en plus d’être nocif pour l’organisme, ses effets ne durent qu’un temps et à un moment vous ne pourrez plus lutter contre le sommeil. Deux grands procédés régissent le sommeil et font appel à des neurotransmetteurs et des structures cérébrales très différentes : la pression homéostatique et les horloges biologiques.
La pression homéostatique est en lien avec le sommeil lent profond et détermine la durée de veille dont on pourra bénéficier pendant la journée. Cette dernière et la qualité d’éveil dépendent de l’énergie disponible dans votre cerveau fabriquée pendant votre sommeil à la manière d’une batterie. Si le matin, vous êtes en mode full énergie, plus vous avancerez dans la journée, plus la pression du sommeil se fera sentir. Plus les phases de sommeil lent profond seront longues et qualitatives en début de nuit, plus vos batteries d’éveil seront pleines. La durée de sommeil lent profond est d’ailleurs proportionnelle à la durée de veille. Plus on se couche tardivement, plus le sommeil est profond, mais attention, il ne faudra pas dépasser l’heure où votre température corporelle est la plus basse. La modulation de la pression du sommeil dépend aussi de l’âge et des déterminants génétiques.
Les horloges biologiques combattent l’action de la pression homéostatique en nous permettant d’avoir un niveau d’éveil relativement stable du lever jusqu’au milieu de la soirée. Les portes du sommeil s’ouvrent et se ferment à heures fixes grâce ces horloges. Quand le niveau de batterie commence à être faible, les horloges biologiques de votre corps ouvrent les portes du sommeil. A contrario, quand elles sont pleines, elles ferment les portes du sommeil et ouvrent celles de l’éveil. Parallèlement, les horloges biologiques se réadaptent sans cesse à l’environnement en tenant compte de votre exposition à la lumière. On a ainsi tendance à moins dormir l’été que l’hiver. La température externe interfèrerait également dans la régulation du sommeil, mais de façon moindre dans nos sociétés occidentales puisque de nombreux individus vivent avec le chauffage l’hiver et la climatisation l’été. La lumière agit sur le noyau suprachiasmatique du cerveau, qui régule la production de mélatonine. Cette zone serait d’ailleurs le grand chef d’orchestre de vos horloges biologiques. Notre température interne décroirait jusqu’au milieu de la nuit pour remonter jusqu’au maximum au petit matin. En vous exposant à la lumière dans les heures précédant le minimum thermique, vous enverrez un fort signal de retard d’endormissement à votre corps. A contrario, si vous vous exposez à la lumière après avoir atteint votre minimum thermique au petit matin, dès le réveil, vous enverrez un signal d’avance de phase qui favorisera un coucher plus précoce.
En 2020, l’étude Vaccaro, Kaplan Dor et Al a démontré grâce aux animaux que l’on pouvait mourir de manque de sommeil. Celui-ci aurait notamment des conséquences dramatiques sur le mécanisme oxydatif digestif qui deviendrait très élevé. Le mode veille de notre cerveau ne peut fonctionner que si l’on s’astreint à des périodes régulières et prolongées de sommeil. L’objectif premier du sommeil est de permettre à votre cerveau de fonctionner sur un autre mode qui favorise la mémorisation et les apprentissages. D’après Pierre Philip, lorsqu’on se livre à des nouvelles tâches durant la journée, il faut pouvoir les reproduire dans son sommeil pour les apprendre et les trier dans votre mémoire grâce à l’activation synchronisée de réseaux de neurones. Par ailleurs, une récente étude a mis en lumière que le sommeil avec également pour vocation de nettoyer le cerveau. Durant la journée, on cumulerait tout un tas de protéines qui permettrait de coder des messages et de fabriquer des neurotransmetteurs libérés ensuite hors des cellules. Pour éviter trop d’accumulation, il existe une circulation du liquide entre l’intérieur des cellules et l’espace extracellulaire qui permet de purger la cellule de tous ses débris surtout durant le sommeil lent profond. En outre, les bienfaits du sommeil sur le corps sont nombreux : la production de mélatonine, d’hormone de croissance, mais aussi les catécholamines, produites avant le réveil pour réactiver la machine cardiaque et rebooster la pression sanguine au réveil. Un manque de sommeil rime également avec diminution de l’immunité, troubles de l’humeur et problème de régulation glycémique.
Grâce à une étude réalisée auprès de cohortes de jumeaux dans les années 1990, on sait que les principales caractéristiques du sommeil (dont la durée de sommeil dont on a besoin) nous sont transmises par nos parents. L’étude Garfield de 2021 aurait même identifié des gènes spécifiques qui prédétermineraient notre capacité à dormir et à récupérer. Si la majorité des individus ont besoin de 7 à 9 heures de sommeil par nuit pour se sentir en pleine forme, un petit nombre a besoin de moins de 7 heures et un autre de 9 à 10 heures par nuit. La typologie circadienne est une autre déterminant du sommeil. Elle permet de comprendre quel rythme vous convient naturellement, votre heure favorite d’endormissement, les heures de pleine énergie et si vous êtes plutôt un sujet du soir ou du matin. Grâce à l’échelle Horne and Hostberg, on sait que 25 % des individus seraient du soir, 25 % du matin, et que 50 % auraient un profil intermédiaire. En 2015, l’Académie américaine de médecine du sommeil a édité une norme du sommeil selon l’âge des individus. Leurs recommandations en termes de durée du sommeil sont les suivantes : 14 à 17 heures par jour pour un bébé de 0 à 3 mois, 12 à 15 heures de 4 à 11 mois, 11 à 14 heures pour un tout-petit de 1 à 2 ans, 10 à 13 heures de 3 à 5 ans, 9 à 11 heures de 6 à 13 ans, 8 à 10 heures pour un adolescent de 14 à 17 ans, 7 à 9 heures de 18 à 25 ans et pour un adulte de 26 à 64 ans et 7 à 8 heures pour les plus de 65 ans. À partir de 14 ans, les besoins se réduisent, mais les adolescents souffrent souvent d’une dette de sommeil car leur vie sociale les amène à veiller tard. Quant aux personnes âgées victimes des effets du vieillissement, elles ressentent le besoin de se coucher plus tôt, alors qu’elles récupèrent moins bien car leur quantité de sommeil lent profond se réduit drastiquement. D’après le Dr Philip, leurs besoins en termes de quantité de sommeil étant inférieur à la moyenne, il suffirait aux seniors de se coucher plus tard en prenant exemple sur les ados pour récupérer une meilleure qualité de sommeil.
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