Mode

Les chaussures Semerdjian

L’éclair de la transmission

Derrière le nom Semerdjian, se cache l’histoire d’une famille d’origine arménienne arrivée par bateau à Marseille en 1923. Des passionnés de chaussures de père en fils dont le nom a perduré grâce à Éric Semerdjian, qui a assumé tous les postes de fabrication de chaussures pendant plus de dix ans dans l’atelier que son grand-père avait créé en 1943. Aujourd’hui, Semerdjian, également connu sous l’appellation SMR23, propose de jolies baskets ultra qualitatives avec des associations de couleurs et de matières audacieuses, mais aussi des boots, bottes et sandales dans l’air du temps et au cuir de belle facture. Son modèle signature ? La sneaker à éclair qui chausse toutes les générations de la petite fille à la grand-mère branchée. Le succès de la marque est incontestablement lié au savoir-faire technique, mais aussi à la connaissance pointue des matières et des formes.

Rencontre avec un vrai fabricant de chaussures, une espèce en voie de disparition sur notre territoire.

BIO. Éric Semerdjian a fait ses armes dans la fabrication de chaussures au sein de l’atelier familial depuis l’âge de 18 ans. Il a la chaussure dans la peau et a assumé tous les postes de fabrication pour maîtriser toute la chaîne de production. Représentant France, puis consultant en fabrication pendant de longues années, il crée sa marque éponyme en 2016 sous le nom Semerdjian, alias SMR23. Aujourd’hui, elle est distribuée dans plus de 800 points de vente en France et à l’étranger.

Eric Semerdjian

Comment l’aventure Smerdjian a-t-elle démarré ?

Le point de départ de notre histoire, c’est l’arrivée à Marseille de mon grand-père en 1923, comme tant d’autres Arméniens qui ont fui le génocide. Ayant un savoir-faire chaussures, il commence à travailler en France en vendant sur les marchés. Dans les années 1940, il crée son atelier qui devient florissant dans les années 1960. Quand j’étais petit, mes nounous étaient les ouvrières de la fabrique familiale. Dès 4 ans, j’y passais le plus clair de mon temps libre. Et, à 13 ans, je savais déjà que j’en ferai mon métier. Mes parents ont insisté pour que je poursuive l’école jusqu’à 18 ans, j’ai donc intégré l’entreprise familiale en 1981. Pendant dix ans, j’ai assumé tous les postes. J’ai mis la main à la pâte pendant des années pour comprendre tous les secrets de fabrication. Mon goût immodéré pour la mode a fait le reste. J’ai collaboré avec mes parents jusqu’à leur départ à la retraite, en 1993. Puis, j’ai voulu me lancer seul en tant que représentant. J’ai fait des tournées dans l’Hexagone pendant trois ans jusqu’à ma rencontre décisive avec un homme extraordinaire, fabricant de chaussures à Alicante en Espagne. J’ai vendu sa marque, Trifoli, positionnée sur le segment femme citadine jusqu’en 2006. Pendant dix ans, j’ai ensuite collaboré avec des usines et réalisé un lancement de marque qui s’est mal terminé avec un fabricant italien. Enfin, j’ai lancé ma marque éponyme en solo en 2016. En revanche, pour ne pas mettre tous mes oeufs dans le même panier, je collabore depuis cinq ans avec quatre ateliers de chaussures en Europe, trois en Italie et un au Portugal.

L’atelier Semerdjian dans les années 1980

Quel est le postulat de votre marque ?

J’avais envie de faire revivre le nom de ma famille dans la chaussure. Avec ma femme Sylvie, nous souhaitions être lisibles et répondre aux besoins du marché. C’est pour cela que nous nous sommes tournés naturellement vers la basket pour commencer. Notre griffe Semerdjian s’est rapidement transformée en SMR23 pour une question d’étiquette. Nos deux enfants étant nés un 23, ce chiffre s’est imposé comme une évidence. En outre, mon grand-père étant arrivé en France en 1923, c’est un peu notre porte-bonheur. Depuis nos débuts, la basket représente 70 % de notre activité, mais nous avons également des bottes et des bottines pour l’hiver et des sandales pour l’été. Ce qui nous particularise : une fabrication d’excellente qualité pour le prix proposé. Nous sommes moyen de gamme sur le prix et haut de gamme sur la qualité. Les prix s’échelonnent entre 119 et 159 euros pour une paire de baskets, entre 159 et 195 euros pour des bottines et environ 220 euros pour des bottes. D’autre part, nous avons refait de Semerdjian une marque familiale puisque c’est mon épouse Sylvie qui s’occupe de l’administratif et mon fils Andréa, du commercial. Nous sommes présents sur la plupart des salons professionnels et showrooms de l’Hexagone. Nos produits sont vendus dans plus de 800 points de vente en France et à l’étranger.

Comment vos collections sont-elles réparties ?

Nos collections sont immenses avec plus de 1 000 échantillons (modèles et couleurs confondus). C’est un immense travail, mais aussi la richesse de la marque car nous pouvons nous implanter dans deux magasins dans une grande ville sans proposer les mêmes produits.

Comment définiriez-vous Semerdjian en quelques mots ?

Passion, folie… Notre marque est un label généraliste et dans l’air du temps : nous touchons toutes les générations, de la petite fille à la senior branchée. Nous ciblons également les hommes, mais malheureusement la demande est beaucoup plus classique avec des tons neutres. C’est moins amusant.

Comment se déroule votre processus de création ?

Avant d’élaborer un plan de collection, je débute toujours le processus de création par des visites de tanneries, de fournisseurs italiens de matières premières et de semelles. Je détermine également les différents styles et hauteurs de talons sur lesquels je porterai mon dévolu pour toute la saison.

Quelles sont vos inspirations ?

La mode, les tendances et les produits qui marchent. Actuellement, les bottines à élastique et les mocassins font partie des must-have. Mais, pour moi, les matières sont toujours primordiales car elles feront in fine la qualité et le confort du produit. Chez Semerdjian, les mélanges de couleurs font également partie de notre identité. D’ailleurs, c’est le sneaker aux dizaines de versions de couleurs qui nous a offert le succès dès nos débuts et qui nous a permis de rentrer dans les grands magasins.

TOO 45 interview Semerdjian

Qu’est-ce qui a changé dans les comportements des consommateurs ?

Les consommateurs, complètement perdus sur les prix, ne voient que le style et ne comprennent pas forcément les différences tarifaires. Il faut les éduquer à la qualité. C’est difficile de voir qu’on est contrefait à bas prix par des fabricants sans scrupules, généralement originaires d’Asie du sud-est et inattaquables par le jeu de sociétés écrans.

Comment voyez-vous l’évolution de votre marque dans les prochaines années ?

J’espère que notre entreprise familiale continuera à croître grâce notamment à l’implication de mon fils Andréa. À moyen terme, j’aimerais donner une envergure plus internationale à la marque. La prochaine étape, c’est de participer à des salons internationaux.

Quelle est votre plus grande fierté ?

De transmettre le savoir-faire familial et de faire perdurer notre nom dans la chaussure. Ma griffe me relie à mes racines et surtout à mes souvenirs d’enfance. Cette culture du souvenir est mon moteur et me fait avancer. J’ai définitivement la chaussure dans la peau.

TOO 45 interview Semerdjian

TOO #45

Amélie Rivet

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Amélie Rivet

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