Une griffe bohème et transgénérationnelle

C’est lors d’un voyage en Inde à la fin des années 60 qu’Yvette et René Derhy décident d’importer des tissus indiens. Après une mésaventure avec Daniel Hechter, Yvette se lance dans la création de tuniques aux couleurs chatoyantes. Le succès est immédiat et la marque voit le jour comme par accident. Depuis lors, le positionnement de Derhy n’a pas changé : proposer des vêtements dans des étoffes indiennes pleins de personnalité à des femmes bohèmes et libertaires. Rencontre avec Yvette Derhy, une grande dame de la mode toujours passionnée par son métier.

Retour sur le parcours de la marque Derhy

Comment l’aventure Derhy a-t-elle commencé ?

C’est lors d’un voyage en Inde que je suis tombée amoureuse des étoffes et des tissus locaux : des cotons khadi, des organzas tissés de fils d’or et une nouvelle forme de tissage de coton à carreaux appelée le seersucker. Ce dernier a retenu l’attention de Daniel Hechter qui m’en a commandé des milliers de mètres. Inexpérimentée, je n’avais pas imaginé qu’il faudrait trois mois pour les acheminer. Cette énorme commande a été annulée par Daniel Hechter et je me suis retrouvée avec des milliers de métrages sur les bras. Heureusement, cette marque immense à l’époque avait déjà réglé le transport et les taxes. En désespoir de cause, j’ai décidé d’en faire des tuniques qui ont immédiatement « cartonné ». Tous les magasins les plus en vue se les arrachaient et mon stock n’a pas suffi. Forte de ce succès, j’ai poursuivi la fabrication de vêtements à partir de tissus et de cotonnades d’Inde.

Quel est le positionnement de votre marque aujourd’hui ?

Notre marque cible les jeunes femmes de 30 à 40 ans. Elle s’adresse essentiellement aux jeunes mères de famille et aux jeunes femmes ayant un goût prononcé pour les vêtements arty, à connotation hippie, bohème ou romantique.

Quel est le profil de vos clientes ?

Elles sont généralement actives et peuvent porter du Derhy au travail. Elles aiment les vêtements informels dans lesquels elles se sentent à l’aise. Elles veulent des vêtements souples, confortables, dans des matières non synthétiques qui les subliment. Nos clientes sont comédiennes, commerçantes, infirmières, pharmaciennes, artistes, profs, institutrices ou galeristes. Ce sont des femmes authentiques qui exercent des métiers tournés vers les autres.

Comment votre département style est-il organisé ?

Nous avons deux directrices de collection qui collaborent avec plusieurs stylistes. Elles décryptent les tendances et élaborent le plan de collection. En outre, elles travaillent avec des designers anglaises, espagnoles, italiennes et américaines pour donner aux collections un twist international. Toutes les deux saisons, nous donnons carte blanche à un créateur pour la création d’une capsule. Ces partenariats ont commencé bien avant la mode des séries limitées, notamment avec Claudie Pierlot. On a eu la chance de coopérer également avec des stylistes comme les E2 (Michèle et Olivier Chatenet), Erotokritos, Céline Melteil, Manish Arora et, plus récemment, avec Colombine Jubert.

Comment se déroule le processus de création ?

Nos directrices artistiques s’inspirent de leurs voyages, de films, d’événements ou d’expositions et proposent différentes directives. Puis, nos stylistes junior apportent leur touche personnelle et choisissent les volumes, les imprimés et les matières. Après un brainstorming avec la direction et les équipes des achats, elles confient les imprimés à de jeunes peintres français, les drapés et les formes à des patronniers, les broderies et les perlages à des artisans indiens. Après avoir reçu les premiers prototypes, elles passent cinq semaines en Inde pour corriger et développer les collections avec tous ces éléments. Pour finir, la direction et les équipes des achats se déplacent dans ces ateliers pour homogénéiser et coordonner la collection.

Quelles sont les tendances de votre collection printemps-été 2019 ?

Cette collection conjugue ultra-féminité et sport chic. Nos pièces iconiques se parent de motifs foulards, d’arbres de vie ou de cachemires. Les robes longues et légères sur le thème « terre » dessinent des silhouettes aériennes et féminines. Les imprimés graphiques et rayés se mêlent aux écritures pour des robes sweat à l’esprit sport féminin. On aime aussi les trenchs et notamment celui en vinyle transparent à impression comics. Les silhouettes sont toujours féminines, gracieuses et gaies.

Qui sont vos muses ?

Nos muses sont joyeuses ou romantiques et respirent l’authenticité : Alison Wheeler, Olivia Palermo, Léa Seydoux, Michèle Obama. La maison Derhy s’inspire aussi de duos mère-fille comme Vanessa Paradis et Lily-Rose Depp ; Cindy Crawford et Kaia Gerber ; Jane Birkin avec ses filles Charlotte Gainsbourg et Lou Doillon.

Quelles sont vos trois pièces préférées dans cette collection ?

Une robe longue dont le motif apache agit comme un tatouage. Une robe longue à col chemisier corail avec des motifs Paisley qui peut se porter comme un manteau, avec un short, ou comme une robe. Une blouse à tissu uni avec des manches bouffantes ornées de nœuds au coude. Et enfin, une jupe très longue et pleine d’ampleur que nous avons déclinée en différentes versions, unies ou imprimées.

Comment voyez-vous l’évolution de votre marque ?

L’ADN de la marque restera inchangé même si les formes évoluent chaque saison pour s’adapter aux tendances. Nous continuerons à travailler de façon familiale et avec des artisans. Nous sommes dans une logique écoresponsable. Nous encourageons nos fournisseurs à utiliser des matières naturelles et biologiques. Nous offrons de bonnes conditions de travail à nos collaborateurs, artisans et ouvriers. De plus, nous continuerons à nous appuyer sur le savoir-faire des brodeurs, des imprimeurs et de perpétuer nos connaissances dans les ateliers.

Quel est le plus beau compliment que l’on vous ait jamais fait ?

« Ma grand-mère portait du Derhy, ma mère aussi ; toutes mes robes viennent de chez vous et mes filles s’y mettent aussi. »

Qu’est-ce qui a changé dans le comportement des consommatrices ces dernières années ?

Les clientes sont de plus en plus sensibles à une mode écoresponsable. Elles ne veulent plus porter de vraies fourrures et sont devenues hostiles aux matières synthétiques comme le polyester. Elles sont aussi à la recherche de pièces différenciantes et originales pour échapper à une mode stéréotypée.

TOO#34

Amélie Rivet

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Amélie Rivet

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