Zoom
Quand je suis tombée sur le livre de Céline Rivière « La câlinothérapie, une prescription pour le bonheur » aux éditions Michalon, j’ai immédiatement pensé à doudou, mon teckel à poil dur et à tous les câlins qu’il recevait les quatre fers en l’air sur notre canapé de la part de tous les membres de la famille.
En nous regardant les uns après les autres lui gratouiller les oreilles et le flanc en rentrant du boulot, je me suis rendue à l’évidence : il est plus facile de faire des mamours à un nano-quadrupède débordant d’affection qu’à un ado en pleine bouffée d’indépendance… D’après Céline Rivière, câliner ne procède pas seulement de l’élan de tendresse non réprimé mais également d’une addiction forte à l’ocytocine (hormone du bonheur) et d’un désir inconscient de faire chuter notre taux de cortisol, la molécule du stress. Sans le savoir, notre PCO (petit chien obèse) nous pousse à activer nos propres mécanismes de santé et augmente sensiblement notre espérance de vie. Depuis que j’en ai parlé à ma tribu, Doudou est surbooké. On l’a même emmené voir la grand-mère de mon homme dans sa maison de retraite. On lui a également trouvé un nouveau surnom, «Amma», en hommage à la grande prêtresse du câlin dans le monde. Nous ne le savions pas mais Doudou a un vrai job : il est câlinothérapeute !
Les bras sont sources de réconfort depuis notre plus tendre enfance. Ils étaient l’un des seuls remparts contre la peur, la solitude et le chagrin. Dans notre inconscient, ils sont synonymes de tendresse, de chaleur, de douceur et de réconfort. Cette région de notre corps a vu naître l’attachement à nos parents et aux gens qui nous ont élevés. Pourtant devenir adulte rime avec gestion de ses émotions, corps cadenassé et lutte contre ses pulsions primaires. Ne vous est-il jamais arrivé d’avoir envie de prendre un ami dans vos bras par empathie dans le but d’accueillir sa souffrance puis d’avoir réprimé votre élan par peur du ridicule ou du rejet ? Jouer la carte du quotient émotionnel et écouter les messages de notre corps ne sont pas choses aisées. Essayons au moins d’apprivoiser l’organe du toucher afin de nous sentir plus épanouies grâce à ses vertus réparatrices.
Le principal bienfait du câlin, c’est l’augmentation du taux d’ocytocine qu’il engendre. Cette hormone de l’attachement et de l’amour est sécrétée par l’hypophyse lors de l’accouchement et de l’allaitement mais également au contact d’une personne aimée. Elle joue un rôle prépondérant dans l’attachement émotionnel et possède des vertus relaxantes. Son impact est à la fois physiologique et émotionnel. Le toucher et la confiance sont la voie royale pour produire l’ocytocine. Elle est activée dès la naissance par le contact avec la mère. Et oui, nos pulsions premières sont bel et bien le contact, la recherche de chaleur et le toucher. Loin devant l’envie de nourriture. D’ailleurs un enfant prématuré prend en moyenne 50 % de masse supplémentaire quand il est câliné, c’est pourquoi la technique «du peau à peau» est si valorisée dans les maternités. À l’âge adulte, le câlin peut être considéré comme un antidépresseur puissant car il rompt la solitude et envoie un message d’amour, de confiance et de tendresse à celui qui le reçoit. En provoquant l’augmentation de l’ocytocine et de la dopamine, le câlin nous permet en outre de combattre l’anxiété.
La peau est une interface qui envoie et reçoit de multiples informations. Elle raconte ce qu’on a du mal à exprimer. Elle est le miroir de nos émotions et la protection première de nos organes vitaux. Elle véhicule en permanence des messages au système nerveux grâce aux corpuscules de Pacini qui sont autant de récepteurs tactiles sensoriels. Nous en possédons plus de 640 000 connectés un demi-million de nerfs à la moelle épinière et au cerveau.
Au Japon, en Australie et aux États-Unis, les adresses pour se faire câliner sont nombreuses contrairement à la France où le mouvement n’en est qu’à ses prémices. Zoom sur des pratiques qui nous permettent d’appréhender le monde autrement.
L’idée vient d’un Australien qui se sentant seul à Sydney après la mort de sa maman brandit une pancarte sur laquelle était écrit «Free Hugs». Relayée sur YouTube, sa vidéo montre des gens gênés qui détournent la tête et d’autres qui au contraire s’arrêtent pour une étreinte furtive et repartent bouleversés. Cette initiative relayée auprès de millions de personnes sur le net est devenue un véritable mouvement qui a pris de l’ampleur. Des dizaines de personnes ont commencé à proposer des câlins gratuits en pleine rue. Juann Mann (le pseudonyme de l’instigateur de ce phénomène) a subi une interdiction administrative quelques temps après la mise en ligne de sa vidéo. Mais il a finalement recueilli 10000 signatures et l’autorisation de poursuivre ses activités bénévoles.
À Albuquerque aux États-Unis, le propriétaire du Tim’s Palace propose un hug à l’arrivée de chacun de ses clients. Même Barack Obama qui aurait fait une halte dans cette ville se serait prêté au jeu. Ex Champion paralympique, atteint du syndrome de Down, Tim Harris a réussi à ouvrir son restaurant grâce à l’appui de sa famille et de ses amis. En montrant ainsi sa capacité à se relever de son parcours dramatique, Tim prouve chaque jour à ses clients que l’on peut avoir confiance en la vie, en l’être humain et en sa force de résilience. Se faire étreindre par cet être exceptionnel fait relativiser et se sentir fier d’appartenir à cette belle humanité. En témoigne le compteur à câlins situé à l’entrée de son restaurant.
Les soirées câlins (cuddle parties) connaissent un vrai succès outre-Atlantique où elles sont apparues à New York en 2004. Du côté de l’Europe, la tendance a pris en Allemagne et aux Pays-Bas mais pas en France où la terminologie est différente. On parle plutôt d’atelier du toucher avec des jeux qui poussent au contact. Pourtant le concept reste sensiblement le même : des personnes en pyjamas ou en vêtements d’intérieur qui ne se connaissent pas se câlinent en discutant gentiment sur des matelas prévus à cet effet dans une ambiance bon enfant. Un coach en câlin anime la séance et veille au respect du cadre. Le sexe, les bisous et les projections d’avenir y sont strictement interdits. Il existe différentes formules : par genre et par âges. Pour un câlin, il faut être mutuellement consentant et à l’écoute de l’autre. Tous les participants sont là pour assouvir leur besoin de tendresse dans un endroit sécurisé et une atmosphère rassurante. Au Japon, des bars à câlins asexués pour cadres supérieurs hyper stressés ont fleuri ça et là. Ils s’y font dorloter par des hôtesses entre deux rendez-vous pour 40 euros de droit d’entrée plus le prix des actes. Une carte à câlins leur permet de choisir : se regarder dans les yeux pendant 1 minute pour 10 euros, faire une grosse accolade pendant 3 minutes pour le même prix ou encore l’hôtesse peut dormir avec la tête sur les cuisses du client pendant 3 minutes pour 20 euros, etc…
Cette indienne de 62 ans originaire du sud de l’Inde est devenue un maître spirituel reconnu dans le monde entier. Dotée d’une compassion hors norme, elle fait passer dans ses étreintes un amour inconditionnel et total. Son dessein est de venir en aide et de soulager la douleur du monde. Son rayonnement est sans pareil et se situe bien au-delà des religions qui divisent aujourd’hui les êtres humains. Ses fidèles font la queue des heures pour quelques secondes magiques dans ses bras. En France, elle a câliné plus de 50 000 personnes en moins d’une semaine sur une estrade dans des salles bondées !
Pepper est un robot franco-japonais doté d’une intelligence artificielle nouvelle : la reconnaissance émotionnelle qui le rend sensible. Cette technologie imite nos neurones miroirs (sources de notre empathie) en étudiant nos expressions et le ton de notre voix. Pepper est ainsi capable de vous mettre votre musique préférée pour vous inciter à danser quand vous êtes fatiguée ou vous faire un câlin quand vous vous sentez triste ou déprimée. Les créateurs de cet humanoïde n’ont pas pour objectif de restituer le sentiment d’amour chez un robot mais de répondre aux manques des personnes en situation d’isolement.
Inventé par le Dr Shibata il y a plus de 22 ans, Paro est ce qu’on appelle un robot thérapeutique pour des personnes souffrant de troubles du comportement et de la communication. Ce petit phoque en peluche rempli de capteurs est capable de montrer des émotions telles que la joie, la colère ou la surprise. Il émet des petits cris en bougeant la tête, la queue et les nageoires. Il aurait des vertus anti-stress, optimiserait la sociabilité et diminuerait sensiblement l’agressivité et le sentiment de solitude des patients. Capable de se blottir contre eux, il serait lui aussi un booster d’ocytocine.
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