Face à la première cause de mortalité au monde, s’en remettre aux progrès des protocoles médicaux ne suffit pas. Il s’agit aussi de bousculer notre mode de vie et notre rapport à la maladie pour devenir acteurs de notre santé.
Directeur du programme de médecine intégrative au centre médical d’oncologie MD Anderson de Houston au Texas, Lorenzo Cohen a fait du cancer son combat quotidien. Ami de longue date de David Servan-Schreiber, il a prouvé que des révolutions dans nos habitudes de vie pouvaient prévenir, vaincre ou retarder la maladie. Dans son livre Vivre anticancer paru aux éditions Robert Laffont, il décrit les six piliers à mettre en place pour booster notre bien-être et nous protéger de ce fléau.
Selon cet expert de la médecine intégrative, la moitié des décès imputables à cette maladie pourraient être évités en adoptant un mode de vie plus sain. Vous voulez vous prémunir de la multiplication de ces cellules malignes qui sommeillent en chacun de nous ? Vous avez le pouvoir d’agir dès à présent !
Pendant longtemps, il a manqué un chaînon essentiel entre prévention et traitement : un mode de vie sain. Celui-ci exige de nombreux réajustements sur le plan de la santé, mais aussi une prise de conscience sur notre rapport au collectif et à la planète. La médecine intégrative désigne le recours simultané à la médecine conventionnelle et à des pratiques alternatives à visée thérapeutique. Atteint d’un cancer du cerveau dont les chances de survie étaient inexistantes à cinq ans, David Servan-Schreiber a fait de sa maladie un sujet d’études. En écoutant son corps et en déchiffrant ses signaux, il a réussi à manipuler ses propres dispositions génétiques pour muscler ses défenses immunitaires, réduire l’inflammation et limiter la prolifération des cellules cancéreuses. Il a prouvé que le cancer n’empêchait pas de se maintenir en bonne santé. Grâce à la médecine intégrative, il a multiplié par quatre son pronostic initial en survivant plus de dix-neuf ans après son diagnostic. Lorenzo Cohen a repris le flambeau de David Servan-Schreiber en collaborant avec lui et en accompagnant des malades du cancer au quotidien. Sa méthode simple, basée sur l’activité physique, la réduction du stress, une bonne qualité de sommeil, une vie sociale développée, l’élimination d’un maximum de toxines et une alimentation saine, fonctionne aussi bien sur des individus atteints que sur des sujets sains désireux de prévenir la maladie. Chaque pilier alimente l’autre pour former un cercle vertueux.
Grâce aux nouveaux protocoles et à la mise en place de traitements non conventionnels, le cancer est devenu pour beaucoup une maladie chronique. Par ailleurs, on est passé de traitements lourds visant à frapper vite et fort à de la médecine de précision avec des thérapies ciblées et de l’immunothérapie. Malgré ces progrès, le cancer tue plus de 9 millions de personnes chaque année et reste la première cause de mortalité dans le monde. Selon Lorenzo Cohen, ce chiffre serait susceptible d’augmenter de 70 % d’ici 20 ans. D’après l’Organisation mondiale de la santé, les cancers diagnostiqués dans le monde pourraient toucher 22 millions d’individus par an. 60 % des cancers se déclareront en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud et centrale. Le cancer étant aussi protéiforme que complexe, il est peu probable que nous arrivions à l’éradiquer. Les efforts de la recherche se concentrent donc pour l’instant sur les stimuli capables de ralentir ou de neutraliser la propagation des cellules cancéreuses. Si l’espoir de guérir d’un cancer est parfois nul, la possibilité de vivre plus longtemps avec la maladie est bien réelle.
Selon le Dr Katz, fondateur de la True Health Initiative, 80 % des maladies chroniques et des morts prématurées pourraient être évitées avec de meilleures habitudes quotidiennes. Selon ce chercheur, ne pas fumer, boire avec modération, maintenir un poids de forme et faire de l’exercice permettraient de diminuer de moitié la mortalité due au cancer. Il faut arrêter de penser que le cancer est le fruit du hasard. Les attitudes et environnements propices à son développement pèsent dans la balance sur le long terme. Forts de ce constat, les pouvoirs publics, qui se concentrent sur les dépistages et les traitements, devraient investir davantage dans la prévention des risques auprès des plus jeunes.
Quand un cancer est diagnostiqué, il est essentiel de croire en sa propre survie malgré les statistiques. Il n’est jamais trop tard pour se débarrasser de ses mauvaises habitudes, de ses pensées négatives, des personnes toxiques de votre entourage et d’abaisser votre niveau de stress. Il faut également se départir de sa culpabilité, accepter la maladie avec ce qu’elle représente d’opportunités de changement et ne pas se résigner. Lorenzo Cohen promet qu’en adoptant un nouveau style de vie, les individus atteints améliorent significativement la qualité du temps qu’il leur reste à vivre. Il faut offrir à son corps les éléments propices à sa guérison et apprendre à l’écouter, lui faire confiance et l’interroger sur ce qui est bon pour lui. Si les soins dépendent de l’oncologue, la guérison dépend entièrement des patients. Lorenzo Cohen propose de bannir les terminologies guerrières et de se concentrer sur la guérison des conséquences du cancer plutôt que sur ses causes. Les patients qui s’en sortent le mieux voient le cancer comme une opportunité pour prendre du recul, pour amorcer une nouvelle vie et parfois même réaliser leurs rêves. Selon les oncologues, les sujets optimistes, bénéficiant d’un bon soutien et conscients de leur pouvoir sur leur santé ont bien plus de chance de guérison que les autres. Et lorsqu’on se sent en détresse émotionnelle ou victime d’une addiction dévastatrice, la seule issue est de solliciter des professionnels de la santé ou du bien-être.
Il suffit d’une seule petite cellule mutante au comportement anormal ou endommagée qui échappe à notre mécanisme de régulation pour enclencher une réaction en chaîne qui, au fil du temps, mène à la création d’une tumeur. L’ADN de la cellule est endommagé et se duplique formant un amas de cellules cancéreuses. Une cellule dite normale qui se détache de son tissu originel subit l’anoikis, une mort cellulaire programmée, ce qui n’est pas le cas de certaines cellules tumorales qui savent la contourner. Organismes libres, les cellules cancéreuses colonisent alors d’autres parties du corps pour se métastaser. C’est pourquoi les tests de dépistage précoces sont le fer de lance des laboratoires. Ils travaillent pour proposer des tests sanguins capables de déceler les cellules, ADN et protéines cancéreuses. Constitués de plus de 37,2 trillions de cellules, nous sommes tous porteurs de cellules cancéreuses en gestation. D’après les chercheurs en oncologie, il faudrait entre 5 et 40 ans pour qu’un cancer se divise et croisse jusqu’à une taille décelable. Si vous avez un cancer à 50 ans, c’est peut-être que vous avez multiplié les comportements à risques lorsque vous étiez adolescents ou jeune adulte.
Les causes d’un cancer sont rarement évidentes. On ne sait jamais si le dysfonctionnement du gène qui actionne la croissance incontrôlée des cellules et donc de la tumeur est le fruit de l’hérédité ou d’un facteur externe. Depuis le premier séquençage du génome humain en 2003, la génétique est le nouvel axe de la recherche à travers le monde. Les cancers provoqués par une mutation génétique héréditaire ne représenteraient que 5 % des cas. Par ailleurs, si certains cancers peuvent être attribués au hasard, la plupart résultent de nos choix de vie. D’après Lorenzo Cohen, la moitié des cancers seraient dus à l’alimentation, la sédentarité, l’obésité, le tabac, des infections virales comme l’hépatite, l’Epstein- Barr et le papillomavirus, l’exposition au soleil, l’alcool et les toxines environnementales. Plus vous multipliez les comportements à risques, plus vous risquez de développer la maladie.
Au-delà des traitements traditionnels (chimiothérapie, radiations, chirurgie), de nouveaux protocoles sont utilisés en parallèle. Les thérapies ciblées fonctionnent de façon moléculaire et visent les anomalies spécifiques des cellules cancéreuses afin de limiter leur croissance. Elles traitent à la fois les anomalies génétiques et les protéines régulatrices du comportement génétique. En outre, les chercheurs ont mis au point de nouveaux inhibiteurs de transduction de signal qui bloquent les signaux d’une molécule à l’autre afin de l’empêcher de se répliquer et des inducteurs dits « d’apostose » qui forcent les cellules à mourir. Parallèlement, les anticorps monoclaux permettent d’aveugler les cellules cancéreuses pour que le système immunitaire les reconnaisse et les neutralise. Enfin, la thérapie hormonale bloque la croissance des tumeurs stimulées par des hormones spécifiques.
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Envie d’aller plus loin ? Découvrez le livre de David Servan- Schreiber, « Vivre anti-cancer », aux éditions Robert Laffont (22 euros)
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